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Frédéric Bazille
1841-1870

Le catalogue raisonné numérique

par Michel Schulman
© Musée Fabre, Montpellier Méditerranée Métropole / photographie Frédéric Jaulmes

Jeune Femme aux pivoines

1870
Huile sur toile
60 x 75 cm - 23 13/16 x 29 11/16 in.
Signé et daté en bas à gauche : F. Bazille, 1870
Montpellier, Musée Fabre, France - Inv. 18.1.3
Dernière mise à jour : 25-03-2022
Référence : MSb-60

Historique

Famille de l’artiste, Montpellier - Marc Bazille, frère de l’artiste - Don de Marc Bazille au musée Fabre en 1918.

Expositions

Paris, Grand Palais, 1910, Salon d'automne, Rétrospectibe Bazille, n° 22 - Saint-Pétersbourg, 1911, Centennale de l’art français au XIXe siècle, n° 7 - Montpellier, musée Fabre, 1927, n° 29 - Paris, Exposition coloniale, 1931, Rétrospective de la section de synthèse des Beaux-Arts - Paris, musée de l’Orangerie, 1939, Chefs- d’œuvre du musée de Montpellier, n° 8 - Berne, Kunsthalle, 1939, Meisterwerke des Museums in Montpellier, n° 6 - Montpellier, musée Fabre, 1941, n° 34 - Paris, galerie Wildenstein, 1950, n° 54 (repr.) - Montpellier, musée Fabre, 1959, n° 36 - Bordeaux, 1960, L’Europe et la découverte du monde, n° 99 - Munich, Haus der Kunst, 1964-1965, Französische Malerei des 19 Jahrhunderts, von David bis Cézanne, n° 3 - Montpellier, musée Fabre, 1970-1971, Hommage à Frédéric Bazille - Paris, musée des Arts décoratifs, 9 mars -14 mai 1973, Equivoques (repr.) (s.n.) - Bordeaux, galerie des Beaux-Arts, 1974, Naissance de l’impressionnisme, n° 87, repr. coul. p. 124 - Chicago, The Art Institute of Chicago, 1978, n° 55, repr. p. 113 - Philadelphie, Detroit, Paris, 1979, L’art en France sous le Second Empire, n° 172 (repr.) - Osaka, K. Matsushita Foundation Museum, 1990, Human Shape and Flower, n° 39, repr. p. 101 - Montpellier, musée Fabre, 1991-1992, Bazille : 150e anniversaire, n° 46 - Montpellier, New York, 1992-1993, n° 27, p. 19, fig. 16 - Paris, New York, 1994-1995, Impressionnisme. Les origines 1859-1874, n° 14, cat. 396, p. 337, repr. pl. 282 - New York, Metropolitan Museum of Art, 1994-1995 [La même exposition. Les références sont du catalogue en français] - Montpellier, musée Fabre, 2001, Chefs-d'œuvre du musée Fabre et du musée d'Orsay [s.n.] - Rome, Complesso del Vittoriano, 2003, Ritratti  figure. Capolavori impressionisti, n° 45 (repr.) -Canberra, National Gallery of Australia, 2003-2004, n° 81 - Tokyo, Ibaraki, Yamanashi, Osaka, 2005-2006, n° 72 - Edimbourg, National Gallery of Scotland, 2010, Impressionist Gardens, n° 13, repr. p. 37 - Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, cat. 62, repr. p. 254, p. 178-179 et p. 80, 89 (Détails) [Les références sont du catalogue en français]. 

Bibliographie

Joubin, Catalogue des peintures et sculptures du musée Fabre, 1926, n° 365, p. 115 - Poulain, L'Eclair du Midi, 1er nov. 1926 - Joubin, Musée de Montpellier. Peinture et sculpture, 1929, p. 21 - Alazard, Gazette des Beaux-Arts, 1931, p. 240 - Poulain, Bazille et ses amis, 1932, n° 39, pp. 168, 176 et p. 218 - Fiérens, Le Journal des Débats, 12 juillet 1932 - Fliche, Les villes d'art célèbres : Montpellier, 1935, pp. 135-136 - Paris, galerie des Beaux-Arts, 7 mai 1937, Naissance de l’impressionnisme (repr.) - Goulinat, Le dessin, mars 1939, p. 454 - « Le musée de Montpellier à l’Orangerie », Beaux- Arts, 24 mars 1939, n° 325 - J. G., L'Art vivant, avril 1939, p. 42 - Sjöberg, La Revue des Jeunes, 10 avril 1939, p. 503 - Espezel, La Revue de Paris, 15 avril 1939, p. 910 - Sérullaz, Etudes, 20 avril 1939, p. 245 - Guérif, A la recherche d'une esthétique protestante, 1943, pp. 24-25 - Prinçay, Cahiers du sud, 1947, p. 869 - Sarraute, Catalogue de l'œuvre de Frédéric Bazille, 1948, pp. 96-97, n° 39, p. 110, 114 - Daulte, Arts, 9 juin 1950, n° 266 - Wildenstein, Arts, 9 juin 1950, n° 266 - Claparède, Réforme, 24 juin 1950 - Romane-Musculus, Réforme, 24 juin 1950, p. 50 - Daulte, Frédéric Bazille et son temps, 1952, n° 51, pp. 78, 128-129, 188 - Bezombes, L'exotisme dans l'art et la pensée, 1953, n° 303, p. 103 - Descossy, Des Primitifs à Nicolas de Staël, 1958 - Laclotte, Vergnet-Ruiz, Petits et grands musées de France, 1962, p. 179, cité p. 226 - Courthion, Autour de l'impressionisme, 1964, p. 27, repr. coul. pl. 27 - Daulte, Connaissance des Arts, déc. 1970, p. 90 - Sérullaz, L'Impressionnisme, 1972, p. 32 - Dauriac, Pantheon, janv. 1980 (repr.) - Bajou, Chefs-d'œuvre de la peinture, 1988, p. 186, repr. p. 187 - Honour, L'image du noir dans l'art occidental, 1988, n° 154 (repr.) - Daulte, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné de l'œuvre peint, 1992, pp. 78, 128 (repr. coul. p. 76) et p. 180, n° 59 (repr.) - Michel, Bazille, 1992, p. 253 - Bajou, Frédéric Bazille, 1993, p. 166 (repr.) - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné, 1995, n° 60, p. 212 - Pitman, Bazille : Purity, Pose and Painting in the 1860s, 1998, pp. 179-183 - Zutter, Catalogue exp. Canberra, National Gallery of Australia, 2003-2004, n° 81, pp. 224-225 - Hilaire, Cat. exp. Tokyo, Ibaraki, Yamanashi, Osaka, Nagasaki, 2005-2006, n° 72, p. 189 - Hilaire, Guide du musée Fabre, 2006, n° 177, p. 192 - Willsdon, Cat. exp. Edimbourg, National Gallery of Scotland, 2010, Impressionist Gardens, n° 14, repr. p. 37 - Clarke, Willsdon, Cat. exp. Madrid, museo Thyssen-Bornemisza, 2010-2011, fig. 18, repr. p. 53 - Hilaire, Jones, Perrin, Cat. exp. Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, cat. 62, repr. p. 254, pp. 178-179 et p. 80, 89 (Détails) [Les références sont du catalogue en français] - Murrell, Cat. exp. New York, Wallach Art Gallery, 2018-2019. fig. 78, repr. p. 76 - Cat. exp. Paris, musée d'Orsay, 2019, fig. 131, repr. p. 183 - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné numérique, 2022, n° 60.

Profitant sans doute du même modèle que pour La Toilette, Bazille exécute en atelier ses deux dernières compositions florales dont cette première Jeune Femme aux pivoines [Auparavant Négresse aux pivoines] qui est l’un de ses tableaux les plus attachants et les plus représentatifs. Comme le souligne le catalogue de l’exposition de 1979, inclure un personnage dans un tableau de fleurs « constituait une nouvelle tendance » [L’art français sous le Second Empire, Paris, Grand-Palais, 1979, p. 172]. Ce pas que franchit aisément Bazille montre à quel point son imagination est à la recherche de sujets variés et comment il se rapproche progressivement de Manet.

La femme noire, vue de trois quarts, arrange ici des fleurs dans un vase à large échancrure posé sur une table en bois dont on distingue les veines au premier plan. Elle est représentée en buste, la main gauche tenant un rameau de cytise, celle de droite piquant une pivoine dans le vase. Sur la table, d’autres fleurs, des boules-de-neige et encore des pivoines, comblent l’espace entre le vase et la femme noire. Cette dernière est vêtue d’une robe de toile gris bleu et porte un fichu de madras noué derrière la tête. La lumière, comme pour les précédentes compositions florales, vient de la droite; elle éclaire la robe et la joue gauche du personnage, ainsi que les pivoines. Bazille a abandonné les tons froids, certains verts et bleus, et adopte ici les tonalités chaudes, les rouges, les roses et les marrons qui suggèrent un parfum d’exotisme. On pense alors à l’Orient, à Delacroix et aux peintres orientalistes, mais, comme le dit Alazard, « l’Orient n’a guère eu d’intérêt aux yeux des Impressionnistes. Les séjours de Lebourg et de Renoir restent des exceptions. Quant au Nègre de Cézanne, au Bureau de coton de Degas, à notre Jeune Femme aux pivoines,  « ce sont des toiles qui ne figurent dans une histoire de l’exotisme que par le sujet » [Alazard, 1931, p. 24]. Même si Bazille sacrifie à la mode, il n’y a donc ici aucune passion pour l’orientalisme. La femme noire, comme dans l'Olympia de Manet, n’est pas une évocation d’un Orient qui reste pour Bazille lointain et abstrait, vu seulement à travers les œuvres des autres peintres. Le fichu de la femme rappelle les couleurs des pivoines dans le vase sur la table, et sa robe celles des autres fleurs. Blancheur non pas transparente mais opaque, qui contraste avec le fond sombre.

A gauche, le vase et les fleurs occupent l’autre moitié du tableau. L’organisation spatiale est intéressante. Bazille n’a pratiquement rien laissé au hasard et a comblé les vides, si bien que le bouquet et la femme noire occupent toute la surface de l’œuvre. On se demande alors qui, des fleurs ou du personnage, prime finalement. « L’exubérance des fleurs s’allie à la sensualité mystérieuse de la femme », écrit Bajou [Bajou, 1988, p. 186]. Il y a ici, en effet, comme une célébration de la beauté, même si Courthion trouve le visage « empâté, le corsage lourd, peu d’élégance » [Courthion, 1964, p. 27].

Effectivement, le modèle n’a rien de vraiment séduisant au sens où on l’entend habituellement. Mais il s’en dégage néanmoins une sensualité qui n’a rien à voir avec les effets charnels. En fait, l’atmosphère l’emporte sur tout le reste. L’exubérance des fleurs tranche sur la discrétion du personnage. Tous les tableaux de Bazille « ont une atmosphère qui leur est propre, une tonalité dominante », remarque Daulte. [Daulte, Arts, 9 juin 1950, n° 266]. La « tonalité dominante » est ici donnée par les couleurs sombres : la femme noire, le vase et le fond du tableau, ce dernier venant délibérément accentuer les contrastes. Les fleurs sur la table ne sont pas jetées au hasard car les rouges alternent avec les blanches, le tout reposant sur quelques feuilles vertes. Ces fleurs font penser, comme le souligne Marandel, aux compositions florales de Fantin-Latour, et aussi aux « fleurs lourdes et puissantes du maître d’Ornans [Wildenstein, Arts, 9 juin 1950, p. 8]. » [À noter la signature en rouge qui n’est pas sans rappeler les habitudes de Courbet].

Mais ici encore, il convient de se tourner vers Manet et plus particulièrement vers l’Olympia pour déceler les plus évidentes similitudes. Dans la mise en page d’abord : les deux femmes noires occupent, dans les deux tableaux, une place identique ; elles sont toutes deux représentées à droite, le buste de trois quarts et regardant, l’une le bouquet de fleurs, l’autre sa maîtresse. Le même regard les caractérise. Les fleurs de l'Olympia ainsi que celles du tableau de Bazille portées par les femmes noires sont aussi luxuriantes et colorées les unes que les autres. Elles jouent un rôle central : celui d’attirer les regards même si, dans l'Olympia, le bouquet de fleurs est spatialement moins important. Dans chaque tableau, la négresse inspire une sympathie immédiate, chacune ayant un visage poupon et plaisant.

L’œuvre de Manet fut exécutée en 1863 et Bazille eut l’occasion de la voir à plusieurs reprises. Il faut souligner cette filiation qui nous paraît essentielle car cet « écho de l’Olympia laissait entrevoir », comme le dit Sérullaz, une « personnalité et un talent de grande classe; il [Bazille] s’annonçait comme l’un des maîtres des nouvelles formules de l’art français et comme véritable précurseur et chef de notre école impressionniste » [Sérullaz, Études, 20 avril 1939, p. 245].

De toute évidence, il s'éloigne ici de Monet, pourtant si proche de lui à d’autres égards. En revanche, dans la Jeune Femme aux pivoines, il se montre l’égal de Manet.

On pourra difficilement qualifier d' « exutoire » les natures mortes de Bazille [Cat. exp. 2016-2017, p. 81] faites à défaut de pouvoir se payer un modèle. Comme l'écrit Thoré-Burger, « Il n'y a point de nature morte. Tout vit et remue. Tout respire et expire, tout se métamorphose à chaque instant » [ William Burger, Musées de Hollande, 1858-1860, p. 318]. Bazille n'échappe pas à cette règle générale de la nature et si, de toute évidence, les fleurs peuvent être qualifiées de natures mortes - ce qui reste à voir - il n'en est rien de son modèle. Quant à la destination de ses natures mortes, on ne dira pas que « Bazille peint parfois ses natures mortes par dépit ou par intérêt commercial. » [P. 85]. On sait en effet sa passion pour les fleurs dans la serre de Méric et celle pour la chasse à la macreuse avec son père dont il parle dans sa correspondance.

Oeuvres en rapport

Oeuvre en rapport
Jeune Femme aux pivoines - Gouache et aquarelle rehaussée de crayon et craie noire sur carton - 32,5 x 52,5 cm - Fitzwilliam Museum (MSb-76)
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Mélopée - Huile sur toile - 32,4 x 24,5 cm - Collection particulière (MSb-87)