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Frédéric Bazille
1841-1870

Le catalogue raisonné numérique

par Michel Schulman
© Atlanta, High Museum of Art

Marine à Sainte-Adresse

1865
Huile sur toile
58,4 x 140 cm - 23 x 55 1/8 in.
Signé et daté en bas à gauche : F. Bazille, 1865
Atlanta, The High Museum of Art, Etats-Unis - Inv. 1980.62
Dernière mise à jour : 09-04-2022
Référence : MSb-18

Historique

Peint pour son oncle Pomier-Layrargues - Mme Brunel - Pierre Fabre - Wildenstein Gallery, New York - Atlanta, The High Museum of Art, 1980 (Don de la Forward Arts Foundation en mémoire de Frances Floyd Cocke).

Expositions

Paris, galerie Wildenstein, 1950, n° 15 - Chicago, The Art Institute of Chicago, 1978, n° 17, repr. p. 54 - Los Angeles, Chicago, Paris, 1984-1985, L’impressionnisme et le paysage français, n° 4, repr. coul. p. 52 - Manchester, The Currier Gallery of Art; New York, IBM Gallery of Science and Art; Dallas Museum of Art; Atlanta, High Museum of Art, 1991, The Rise of Landscape Painting in France. Corot to Monet, n° 1, repr. coul. p. 101 - New York, Wildenstein Gallery, 1985, Paris Cafés - Montpellier, New York, 1992-1993, n° 9, repr. p. 88 - Paris, Grand Palais, 1994, Impressionnisme. Les origines 1859-1874, n° 2, p. 329, repr. p. 80 - New York, Metropolitan Museum of Art, 1994-1995, The Origins of Impressionism [Les références sont du catalogue en français] - Atlanta, High Museum, 1999, n° 1, repr. p. 12 - Paris, musée Marmottan Monet, 2003-2004, cat. 9, repr. p. 27 - Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, n° 22, repr. p. 229  et pp. 54-55 [Les références sont du catalogue en français].

Bibliographie

Poulain, Bazille et ses amis, 1932, n° 3, pp. 52, 211 - Sarraute, Catalogue de l'œuvre de Frédéric Bazille, 1948, n° 9, p. 17 [Thèse de l'Ecole du Louvre non publiée] - Daulte, Bazille et son temps, 1952, p. 172, n° 15/1 (repr.) [Thèse sous la direction de Gaston Poulain] - Isaacson, Monet. Le Déjeuner sur l'herbe, 1972, n° 13, pp. 98-99 - Rewald, Histoire de l'Impressionnisme, 1973, p. 110 (repr.) [Réédition de 1946] - Champa, Studies in Early Impressionism, 1973, p. 85, fig. 115 - Marandel, Catalogue exp. The Art Institute of Chicago, 1978, n° 17, repr. p. 56 - Schulze, Art in America, sept-oct. 1978, pp. 100-103 (repr.) - Atlanta, High Museum of Art, 1981, Selected Works, p. 16 (repr.) - Gazette des Beaux-Arts, mars 1981, n° 216, p. 39 (repr.) - Wildenstein, Gazette des Beaux-Arts, avril 1985, pp. 3-4 - Bernier, New York, 1985, Paris Cafés, p. 40 (repr.) - Daulte, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné de l'œuvre peint,  1992, p. 28 (repr. coul.) et p. 160, n° 17 (repr.) [Réédition de 1952 avec photos en couleur] - Jourdan, Vuatone, Catalogue exp. Montpellier, New York, 1992-1993, n° 9,  p. 88 - Bajou, 1993, Frédéric Bazille, p. 77 (repr.) - Schulman, Frédéric Bazille :  Catalogue raisonné, 1995, n° 18, repr. p. 130 - Pitman, Bazille : Purity, Pose and Painting in the 1860s, 1998, pp. 77, 133 - Hilaire, Jones, Perrin, Catalogue exp. Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, n° 22, repr. p. 229 et pp. 54-55 [Les références sont du catalogue en français] - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné numérique, 2022, n° 18.

Le 18 août 1865, Bazille écrit à sa mère : « Enfin je vais avoir fini demain matin les tableaux de mon oncle ». Il s’agit de la Marine à Sainte-Adresse et du Paysage de Saint-Sauveur. Nous ne savons pas comment les sujets furent choisis. Les dimensions identiques des deux tableaux laissent deviner leur destination - des dessus de portes - ce que confirme Monet dans sa lettre du 4 mai 1865 : « Vous devriez profiter des beaux jours. Il y en a bien assez de mauvais pendant lesquels vous travaillez dans la chambre à vos panneaux ». Bazille est plus que séduit par le paysage, lui qui ne connaissait que la lumière du Midi et celle d'Ile-de-France. Il se confie à sa mère : « Le paysage est un paradis... Je peins toute la journée de cinq heures du matin à 8 heures du soir » [Lettre à sa mère du 1er juin 1864]. Bazille fut mécontent de ses tableaux : « Je les ai recommencés en entier depuis ma dernière lettre, dit-il, j’avais fait auparavant une masse de détails qui, vu la distance où ils devaient être vus, faisaient fort mauvais effet ». Indication qui confirme la destination de ces œuvres.

Plage à Sainte-Adresse, Claude Monet, 1864, The Minneapolis Institute of Arts
Plage à Sainte-Adresse, Claude Monet, 1864, The Minneapolis Institute of Arts
Comment la Marine à Sainte-Adresse fut-elle exécutée ? Il existe à ce propos une controverse, certains assurant qu’elle fut entreprise en 1864 lors du voyage de Bazille à Honfleur, d’autres affirmant que Bazille aurait pris pour modèle le tableau de Monet la Plage à Sainte-Adresse [The Minneapolis Institute of Arts, 1864]. Cette dernière hypothèse est très vraisemblable, car la Marine à Sainte-Adresse pourrait bien être celui des deux tableaux que, le 5 mai 1865, Bazille dit avoir commencé. Marandel se demande malgré tout si Bazille ne le fît pas sur le motif en 1864 pour le compléter ou le terminer en atelier l’année suivante. Quoi qu’il en soit, outre son intérêt intrinsèque, le tableau de Bazille offre celui d’être étroitement comparable à celui de Monet, puisque les deux hommes ont peint le même paysage, vu du même endroit. Les deux œuvres diffèrent néanmoins par leurs dimensions. En prenant une toile beaucoup plus grande, Bazille a élargi le champ de son sujet et a donné plus de place à la mer. Il a ainsi ajouté plusieurs bateaux - qu’il a d’ailleurs disposés autrement que ceux de Monet et un pêcheur sur la gauche de son tableau. Certains autres détails diffèrent, comme les planches au premier plan. Quant au paysage, il paraît plus proche chez Monet que chez Bazille.

Une autre différence, bien plus intéressante, concerne les techniques et les tons employés. Pour Gaston Poulain, « le ton froid, l’écriture méticuleuse de ces panneaux sur lesquels il s’est acharné dénoncent le débutant non encore en mesure de créer dans un atelier, des paysages remarqués quelques mois auparavant » [Poulain, 1932, p. 52]. On sent ici un manque de certitude chez Bazille, ce qui nous incite à dire avec Schulze, que « le tableau de Monet est supérieur, plus sensible aux gradations de lumière, d’atmosphère et d’eau, plus précis dans l’attribution des intensités tonales à ces éléments » [Schulze, Art in America, sept-oct. 1978, p. 102].

Divers spécialistes ont tenté de comparer les deux tableaux et d'en expliquer la hiérarchie chronologique et esthétique. Comme tente de le faire Jones dans son article du catalogue d'exposition de 2016-2017 [Jones, p. 33], Bazille aurait peint son tableau « en hommage au souvenir [qu'il] garde de la Normandie avec Monet ». Ce qui, somme toute, est une hypothèse logique au regard de leurs relations. Reste que Bazille a voulu faire une œuvre aux variations divergentes de celles de Monet. Faut-il y trouver une explication psychologique ? Même si Bazille a voulu imiter Monet par un sujet identique, il s'en libère par certains détails qui, selon nous, ont toute leur importance. Et on peut à juste titre se demander ce que Bazille et Monet ont bien pu se dire pour expliquer leurs divergences.