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Frédéric Bazille
1841-1870

Le catalogue raisonné numérique

par Michel Schulman
© Musée d'Orsay, dist. RMN - Grand Palais/Patrice Schmitt

La Robe rose

1864
Huile sur toile
147 x 110 cm - 57 7/8 x 43 3/4 in.
Signé en bas à droite : F Bazille
Paris, Musée d'Orsay, France - Inv. RF 2450
Dernière mise à jour : 03-04-2022
Référence : MSb-10

Historique

Marc Bazille, frère de l'artiste - Legs de Marc Bazille aux musées nationaux par testament du 31 mai 1923 - Déposé au musée du Luxembourg le 19 juin 1925 - Entré au musée du Louvre le 5 janvier 1929 (RF 2722) - Entré au Jeu de Paume en 1947 - Au musée d’Orsay depuis 1986.

Expositions

Paris, Grand Palais, Salon d'automne, 1910, Rétrospective Bazille, n° 8 [Sous le titre Jeune fille assise dans un parc] - Paris, Association des étudiants protestants, 1935, n° 17 (repr.) - Compiègne, musée national de Compiègne, 1953Le Temps des crinolines, n° 11 - Londres, Tate Gallery, 1954,  Les Impressionnistes du musée du Louvre, n° 30 - Londres, The Arts Council of Great-Britain, 1954,  Manet and his Circle, n° 50, repr. pl. XII - Marseille, musée Cantini et Nice, galerie des Ponchettes, 1955, Exposition impressionniste, n° 30 - Moscou-Léningrad, 1965, Tableaux des musées de France, n° 1,  pp. 5, 50 de la liste - Lisbonne, Fondation Gulbenkian, 1965,  Um Século de pintura francesa : 1850-1950, n° 4 (repr.) - Troyes, musée des Beaux-Arts, 1969, Renoir et ses amis, n° 45, repr. coul. pl. V - Moscou-Léningrad, 1971, L’Impressionnism, (repr.) - Madrid, musée du Prado, 1971, Les Impressionnistes français, n° 27, repr. p. 105 - Berlin, Prague, 1982-1983, De Courbet à Cézanne. Peinture française 1848-1886, n° 5, p. 44 - Compiègne, Palais de Compiègne, 1990, Le Temps des crinolines, n° 11 - Montpellier, New York, 1992-1993, n° 7, repr. p. 84 - Tokyo, Metropolitan Museum, 1996, La modernité, n° 9 repr. p. 55 - Kobé, musée municipal, 1996, La modernité, n° 9, repr. p. 55 - Paris, musée Marmottan Monet, 2003-2004, cat. 4, repr. p. 50 - Pékin, Shanghaï, Hong Kong, 2004-2005, Impressionism. Treasures from the National Collections of France, n° 10, repr. p. 115Sao Paulo, Rio de Janeiro, Madrid, 2012-2013, cat. 49, p. 163 - Rome, Complesso del Vittoriano, 2015-2016, n° 19 (repr.) - Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, cat. 15, repr. p. 45 et 226  [Les références sont du catalogue en français].

Bibliographie

Rey, La Renaissance du sentiment classique dans la peinture française au XIXe siècle, 1921, p. 48 - Joubin, Beaux-Arts, 15 avril 1924, n° 8, pp. 119-121, repr. p. 120 - Poulain, L'Eclair du Midi, 1er nov. 1926, p. 2 - Masson, Catalogue des peintures, sculptures et miniatures du musée national du Luxembourg, 1927, p. 13 - Poulain, La Renaissance de l'art français et des industries de luxe, avril 1927, n° 4, p. 268 - Poulain, Formes, nov. 1931, n° 19, pp. 155-156 - Poulain, Bazille et ses amis, 1932, n° 12, pp. 57-59, 125, 134, 213 - Descossy, Montpellier, berceau de l'impressionnisme, 1933, cité p. 22 - Poulain, L'Art et les artistes, juin 1934, pp. 315-319 - Colombier, Candide, 4 avril 1935, p. 8 - Guillaume,  L'influence de l'atelier Gleyre sur l'impressionnisme français, Berne, 1936 [Compte rendu du congrès de Berne paru en 1937, vol. 1, pp. 11-12] - Scheyer, Art Quarterly, printemps 1942, p. 120 - Guérif, A la recherche d'une esthétique protestante : Frédéric Bazille, 1943, pp. 34-35 - Rewald, Histoire de l'impressionnisme, 1946, repr. p. 189 - Drucker, Arts, 16 mai 1947 - Cat. du musée des Impressionnistes, Jeu de Paume, Paris, 1947, n° 23 - Sarraute, Catalogue de l'œuvre de Frédéric Bazille, 1948, n° 7, pp. 11, 71 [Thèse du musée du Louvre non publiée] - Sarraute, Musée de France, mai 1949, n° IV, pp. 91-93 - Daulte, Arts, 9 juin 1950, pp. 1, 8 - Daulte, Bazille et son temps, 1952, pp. 49, 112, 115-116, 119, 134, 147 et pp. 169-170, n° 9, repr. coul. face p. 48  [Thèse sous la direction de Gaston Poulain] - Melville, The Architectural Review, juillet 1954, p. 47 (repr.) - Adhémar, Sterling, Musée national du Louvre. Peinture. Ecole française du XIXème siècle,  1958, n° 40, t. I, pl. XIII - Bazin, Musée national du Louvre, 1958, n° 4 - Adhémar, Sterling, La peinture du musée du Louvre, 1959, n° 40, pl. XIII - Rewald, Histoire de l'impressionnisme, 1961, repr. p. 221 [Réédition de 1946] - Courthion, Autour de l'impressionnisme, 1964 - Roskill, Burlington Magazine, juin 1970, Early Impressionism and the Fashion Print, pp. 391-395 - Champa, Studies in Early Impressionism, 1973, fig. 116, pp. 85-88 - Huygue, La relève du réel, 1974, n° 137, repr. p. 160 -  Adhémar, Distel, Cat. du musée du Jeu de Paume, 1977, repr. p. 12 - Rosenblum, Les peintures du musée d'Orsay, 1989, repr. p. 224 - Daulte, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné de l'œuvre peint, 1992, n° 9, pp. 40, 106, 113, 116, 130, 141 et pp. 156-157, repr. coul. couverture et p. 115 [Réédition de 1952 avec photos en couleur] - Michel, Bazille, 1992, p. 155 - Jourdan, Vuatone, Cat. exp., Montpellier, New York, 1992-1993, n° 7, repr. 84 - Bajou,  Frédéric Bazille, 1993, n° 23, repr. p. 56 - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné, 1995, n° 10, repr. p. 115 - Hilaire, Jones, Perrin, Cat. exp. Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, cat. 15, repr. p. 45 et 226  [Les références sont du catalogue en français] - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné numérique, 2022, n° 10.

La Robe rose marque un tournant dans la carrière artistique de Bazille. Comme le dit Gaston Poulain, « c’est la première toile où sa personnalité s’affermit » [Poulain, 1932, p. 57].

La Robe rose fut exécutée pendant les vacances de 1864 à Méric, propriété familiale qui fait face au village de Castelnau-le-Lez. Assise sur un muret, Thérèse des Hours, cousine germaine de Bazille, tourne son visage vers le village que le soleil baigne de ses derniers rayons. Dans le dessin préparatoire, au contraire, elle nous était présentée de face. Il semble donc que, du dessin au tableau, le but de l’artiste ait changé. Au lieu de concentrer toute notre attention sur le personnage, dans le tableau il se sert de lui pour guider notre regard vers le village. Il ne prive pas ainsi l’être humain de son importance, puisqu’il nous fait passer par lui pour aller vers le paysage, mais il nous invite à percevoir le lien essentiel qui les unit.

Du dessin à la peinture, Thérèse des Hours ne reste d’ailleurs pas tout à fait la même. Non seulement son attitude change, mais aussi sa place sur le petit mur. Dans le dessin, elle porte une magnifique et ample robe; elle la troque dans le tableau contre une autre plus modeste et plus simple, qui convient mieux à l’effet maintenant recherché.

Dans une lettre à son fils écrite en décembre 1864, Gaston Bazille dit qu’il a fait faire plusieurs photographies de certains tableaux dont Le Village de Castelnau, nom donné par le père de l’artiste à La Robe rose. Et il ajoute : « Je te dirai même à ce sujet que cet animal d’Huguet-Moline [le photographe], l’épithète n’est pas trop forte, m’a fait entrer dans une colère bleue; trouvant que sa photographie ne ressortait pas assez, il a pris sur lui sans rien dire à personne, de passer de la couleur sur les parties écaillées de ta figure. J’ai été très vexé quand je me suis aperçu de ces retouches, malheureusement le mal était fait. Le bras et la joue de Thérèse n’ont pas gagné au changement ». Ainsi se trouvent partiellement sinon totalement expliquées certaines faiblesses qui frappent dans ce tableau, dont les parties retouchées surprennent par leur naïveté.

« Tu arrangeras cela comme tu l’entendras si tu conserves cette étude », ajoutait Gaston Bazille. Et de fait, son fils aurait fort bien pu réparer son tableau. Or il n’en fit rien et ne s’en occupa plus. « J’en fais d’autres pour le remplacer », écrivait-il en février 1865. Pourtant, dans une lettre du 22 décembre à sa mère, il avait réagi à l’annonce des dégâts dus au photographe en exprimant un très vif déplaisir : « Ce que papa m’a écrit sur Huguet-Moline m’a causé beaucoup de peine ». Il tenait donc à son tableau. Malgré cela, ce qu’il ajoutait montre qu’il voulait le soustraire à tous les regards : « Je suis bien fâché au surplus qu’on ait photographié mon tableau... Puisque la chose est faite, je te prie de me donner une de ces photographies dans ta prochaine lettre et de cacher les autres au plus profond de ton tiroir ». Et sa volonté sur ce point ne varia jamais puisque, dans une lettre du 1er janvier 1869, il disait encore : « Qu’on ne l’accroche pas dans un lieu où les étrangers puissent la voir ». Ainsi, même si elle ne lui était pas indifférente, La Robe rose ne le satisfaisait pas. Étonnante attitude à l’égard d’un tableau qui, même endommagé, reste une de ses œuvres majeures.

Tourné vers le village de Castelnau, le regard de Thérèse des Hours nous invite à en étudier les différents aspects. Daulte dit que Bazille « simplifie et ordonne les formes du paysage » et que « les deux vues de Castelnau [La Robe rose et la Vue de village] témoignent d’un respect absolu de la perspective linéaire » [Daulte, 1992, p. 116]. Il propose, pour s’en convaincre, de juxtaposer des photographies du village de Castelnau aux deux peintures de Bazille. C’est ainsi qu’il est possible de faire, comme il dit, « la part de son exactitude et de son interprétation ». Il est toujours bon d’établir la part d’interprétation d’un peintre. Bazille, on peut le constater ici, n’a pas voulu restituer les détails. Il a voulu éviter tout calque scrupuleux de la réalité, peut-être par réaction contre le conformisme de l’atelier Gleyre. En tous les cas, en s’imbriquant les unes dans les autres sur sa toile, les maisons du village ne perdent ni leur volume ni leur importance : c’est finalement sur la masse qu’a voulu jouer Bazille. Le dessin préparatoire, lui, ne donne pas cette ampleur à l’architecture du village. En fait, ce sont les couleurs qui transforment le sujet et qui, dans une harmonie presque florentine, donnent à La Robe rose toute son originalité. Les murs ocres des maisons réfléchissent les rayons du soleil; ils ont une chaleur toute méditerranéenne. Chacune dessine ainsi son propre volume, le tout s’enchevêtrant pour former une masse qui préfigure le cubisme. Le rideau d’arbres est, quant à lui, une sorte d’écran qui dilate les formes du paysage. En fait, c’est la superposition des tons froids - les verts des arbres - aux tonalités chaudes des maisons - les ocres et les roses - qui est la clef de la réussite de ce tableau.

Dans son article du catalogue d'exposition 2016-2017, Perrin fait le rapprochement entre le dessin préparatoire et le tableau. Il souligne que « Vraisemblablement Bazille passe  du dessin au tableau en reportant directement les grandes lignes au pinceau ... [mais que] Bazille opère plusieurs changements dans sa composition... avec un cadrage plus serré » [Perrin, p. 44]. On notera que la radiographie montre plusieurs changements, notamment sur la robe, le bras gauche et la silhouette sombre du sapin.

La Jeune Femme en plein air ou la Jeune Femme dans un parc, comme on a encore dénommé La Robe rose, « marque bien la nature des recherches de Bazille », nous dit André Joubin [Joubin, 15 avril 1924, p. 42]. Elle fait en quelque sorte la première synthèse du paysage languedocien. En tous les cas, il réussit, comme le dit Zola,  à « mettre des figures de grandeur naturelle dans un paysage » [Zola, Edouard Manet, étude biographique et critique,1991, p. 158]. C'est bien ce que souligne Perrin quand il écrit : « Au cours de la décennie, l'exercice technique, doublé du souci de se dégager de l'exemple des maîtres, se mue progressivement en projet emblématique de l'esthétique nouvelle » [Perrin, p. 47].

A l'occasion de l'exposition de 2016-2017, le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) du Louvre a procédé à des analyses de plusieurs œuvres de Bazille et de ses compagnons dont La Robe rose. Le catalogue d'exposition ne pouvant publier tous les résultats, certains ont été publiés sur Internet par Bruno Mottin. Parmi  eux, on retiendra que « la couche préparatoire de couleur blanche a probablement été posée industriellement, que Bazille a dessiné au crayon noir la structure du village et le contour des arbres de façon rigoureusement identique et que de nombreux indices  montrent que l'œuvre a été entièrement reprise par Bazille après sa première phase d'exécution ». En conclusion, stipule Bruno Mottin, « La Robe rose a été commencé en 1864 mais a été largement transformé en 1865 ».

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