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Frédéric Bazille
1841-1870

Le catalogue raisonné numérique

par Michel Schulman
© National Gallery of Art, Washington

Portrait d'Edmond Maître

1869
Huile sur toile
83 x 64,2 cm - 32 11/16 x 25 1/4 in.
daté en haut à gauche : F. Bazille 1869
Washington, National Gallery of Art, Etats-Unis - Inv. 1985.64.2
Dernière mise à jour : 29-03-2022
Référence : MSb-48

Historique

Edmond Maître, Bordeaux - Léon Maître, son frère - André Bazille, neveu de l'artiste, Montpellier - Mme Jean Rachou, née André Bazille, Montpellier - Paul Mellon, Richmond, Virginie, achat en août 1960 [Wildenstein Gallery, New York] - National Gallery, Washington, 1985 (Don Mellon).

Expositions

Montpellier, Exposition internationale, 1927, Rétrospective Bazille, n° 25 - Paris, Association des étudiants protestants, 1935, n° 6 - Paris, Palais de Tokyo, 1937, Chefs d'œuvre de l'art français, n° 240 - Montpellier, musée Fabre, 1941, n° 29 - Paris, galerie Wildenstein, 1950, n° 50 - Montpellier, musée Fabre, 1959, n° 34 - Chicago, The Art Institute of Chicago, 1978, n° 37, repr. p. 85 - Montpellier, musée Fabre, 1979, Le portrait, n° 57, repr. p. 113 -  Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts, 1985, n° 25, repr. p. 107 - Montpellier, New York, 1992-1993, n° 23, repr. p. 115 - Paris, musée Marmottan Monet, 2003-2004, cat. 21, repr. p. 69 - Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, cat. 51, repr.  p. 247, p. 69 et p. 73 (Détail) [Les références sont du catalogue en français].

Bibliographie

Blanche, L'Art vivant, juillet 1927, p. 544, repr. p. 544 - Poulain, Bazille et ses amis, 1932, n° 33, pp. 134-135, 217 - Laprade, Beaux-Arts, 1935, p. 8 - Sarraute, Catalogue de l'œuvre de Frédéric Bazille, 1948, n° 35, pp. 83-85 [Thèse de l'Ecole du Louvre non publiée] - Blanche, La Pêche aux souvenirs, 1949, pp. 123-125 - Daulte, Arts, 9 juin 1950 - Daulte, Bazille et son temps, 1952, n° 47, pp. 45-46, 131, 142-143, 185-186 [Thèse sous la direction de Gaston Poulain] - Daulte, Connaissance des Arts, 1970, p. 90 - Daulte, Cat. exp. The Art Institute of Chicago, 1978, p. 26 - Daulte, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné de l'œuvre peint, 1992, n° 52, pp. 69, 127, 134, 137, 176-177 [Réédition de 1952 avec photos en couleur] - Daulte, L'Oeil, avril 1978, repr. p. 37 - Michel, Bazille, 1992, p. 120 - Daulte, Cat. exp. Montpellier, New York, 1992-1993, fig. 28,  repr. p. 60 - Montpellier, New York, 1992-1993, n° 23, repr. p.115  - Bajou, Frédéric Bazille, 1993, p. 135 - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné, 1995,n° 48, repr. p. 187- Pitman, Bazille : Purity, Pose and Painting in the 1860s, 1998, fig. 123, repr. p. 187 - Hilaire, Jones, Perrin, Cat. exp. Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, cat. 51, repr. p. 247 et p. 69 et 63 (Détail) [Les références sont du catalogue en français] - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné numérique, 2022, n° 48.

Mécontent de son premier portrait fait au début de 1867 - Portrait d'Edmond Maître qu’il découpa pour n’en garder que le visage - Bazille reprend son idée originelle de peindre son ami « de la racine des cheveux jusqu’aux genoux. » Cette fois, il abandonne le portrait frontal qu'il pra­tique habituellement pour représenter Edmond Maître de profil, assis dans un fauteuil canné, large et confortable. Maître tient un livre dans la main gauche, un cigare dans celle de droite posée sur le bras du fauteuil comme s’il voulait éviter la fumée. Il est en train de lire.

Maître, sérieux, grave, est en costume vert foncé, chemise blanche, nœud à pois blancs, des violettes à la boutonnière. Le nez droit, le front large, les cheveux lisses, la barbe courte et la moustache taillée donnent le sentiment d’une « admirable figure d’intellectuel désabusé, de convalescent menacé par l’imminence d’une rechute et dont le visage émacié, d’une grande pâleur, se détache sur le fond basané ». [Poulain, 1932, pp. 134-135]. C’est en effet un personnage à la santé fragile mais en possession de tous ses moyens intellectuels, que Bazille peint ici.

Edmond Maître sur le canapé,, Auguste Renoir 1871, Collection particulière
Edmond Maître sur le canapé,, Auguste Renoir 1871, Collection particulière
Dans une lettre à son père en date du 19 février 1866, Maître écrit : « Je me contente des choses idéales ». Puis, le 6 mars 1869, il précise : « Toute ma vie se passe dans ma tête, dans mes rêveries ». Et c’est ainsi qu’il est représenté ici en train de lire. Employé à la préfecture de la Seine, au département de l’Instruction publique et des Cultes, Maître avait d’autres aspirations, littéraires, artistiques et musicales qui le passionnaient. Dans son Livre de Raison, son journal intime, il dévoile son caractère et montre le fossé qui sépare son activité professionnelle de sa vie intime : « Loisirs suffisants, occupation salariée absolument bête... Me tenant en réserve pour mes amis et pour moi-même, goûtant une volupté secrète à mépriser ce qui fait le soin des autres hommes, je laisse aller le monde et dégoiser les sots » [Daulte, 1992, pp. 33-35]. Ce portrait est rempli de la rêverie dont il parle, celle d’un homme élégant, raffiné mais, en fin de compte, solitaire. Maître porte la distinction en lui et c’est l’intérêt psychologique qui, selon Marandel, inspire ici Bazille.

Loin du Frédéric Bazille à Saint-Sauveur pourtant exécuté vers la même époque, ce portrait ressemble plutôt, par sa technique et ses tonalités, au Frédéric Bazille à la palette. Bazille emploie en effet des fonds sombres « d’une tonalité égale et assourdie » [Daulte, 1992, p. 137] pour faire ressortir les aspects essentiels de son personnage. Dans les deux cas, l’éclairage illumine les visages, les opposant aux masses sombres des arrière-plans et des vêtements foncés. Deux tonalités s’opposent ici tout en s’harmonisant. Les bruns de la couverture sur les genoux, ceux du fauteuil et du cigare se marient avec le vert sombre de la veste, du nœud et même des cheveux. Le petit bouquet de violettes à la boutonnière est une touche délicate qui complète le portrait psychologique de Maître.

Le dessin est partout précis. Dans le Portrait d’Edmond Maître, Bazille garde ses distances à l’égard d’une possible interprétation graphique qui pourrait déformer l’image de son ami. Par sa technique - contours précis, matière lisse, contrastes d’ombre et de lumière - ce tableau se rapproche plus qu’aucun autre de certaines œuvres de Degas comme le Portrait de l’artiste avec Evariste de Valernes [Musée d’Orsay, Paris, 1865].

On connaît l'amitié qu'ils se vouaient, naissante dès 1865. Elle reposait sur la passion commune de la musique et de la peinture. Ainsi eurent-ils des parcours communs, délaissant leurs études - la médecine pour Bazille, le droit pour Maître - afin de suivre leurs passions : l'art et la musique. C'est pourquoi on peut trouver dans ce Portrait d'Edmond Maître une note personnelle absente des autres portraits de Bazille.

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Portrait d'Edmond Maître - Huile sur toile - 36 x 28 cm - Collection particulière (MSb-28)