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Frédéric Bazille
1841-1870

Le catalogue raisonné numérique

par Michel Schulman
© Tous droits réservés

La Tireuse de cartes

1868-1869
Huile sur toile
61 x 46 cm - 24 x 18 in.
Collection particulière
Dernière mise à jour : 29-03-2022
Référence : MSb-43

Historique

Famille de l’artiste, Montpellier - Marc Bazille, frère de l'artiste, Montpellier - Mme Meynier de Salinelles , née Laure Bazille - Collection particulière, Paris - Vente Sotheby’s, Londres, 28 juin 1994, n° 7 - Galerie Schmit, Paris - Collection particulière.

Expositions

Montpellier, Exposition internationale, 1927, Rétrospective Bazille, n° 16 - Paris, Association des étudiants protestants, 1935, n° 2 (repr.) - Montpellier, musée Fabre, 1941, n° 27 - Paris, galerie Wildenstein, 1950, n° 30 - Montpellier, 1959, n° 19 - Paris, galerie Schmit, 1972,  Les impressionnistes et leurs précurseurs, n° 23, repr. coul. p. 41 - Tokyo, Yamagushi, Fukuoka, 1974, Le Centenaire de l’impressionnisme, n° 1 - Chicago, The Art Institute of Chicago, 1978, n° 46, repr. p. 98 - Montpellier, New York, 1992-1993, n° 48, repr. p. 143 - Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, cat. 54, repr. p. 249 et p. 175 [Les références sont du catalogue en français].

Bibliographie

Poulain, Bazille et ses amis, 1932, n° 31, pp. 133, 217 - Laprade, Beaux-Arts, 29 mars 1935 - Schmidt, Le Semeur, 1935 - Colombier, Candide, 4 avril 1935 - Scheyer, Art Quarterly, printemps 1942, p. 127 - Sarraute, Catalogue de l'œuvre de Frédéric Bazille, 1948, n° 42, p. 101 [Thèse de l'Ecole du Louvre non publiée] - Daulte, Arts, 9 juin 1950 - Daulte, Bazille et son temps, 1952, n° 41, pp. 69, 142, 144, 150 et pp. 182- 183 (repr.) [Thèse sous la direction de Gaston Poulain] - Allier, Lettres françaises, oct. 1959 - Bernat, Jardin des Arts, oct. 1959, repr. p. 764 - Marandel, Cat. exp. The Art Institute of Chicago, 1978, n° 46, repr. p. 98  - L’Œil, oct. 1985, repr. p. 69 - Dolan, Gazette des Beaux-Arts, fév. 1990, pp. 99-103 - Daulte, Frédéric Bazille  : Catalogue raisonné de l'oeuvre peint, 1992, n° 46, pp. 69, 134, 143, 173, repr. coul. p. 136 [Réédition de 1952 avec photos en couleur] - Pitman, Cat. exp. Montpellier, New York, 1992-1993, n° 48, repr. p. 144 - Michel, Bazille, 1992, pp. 81, 247-248 - Bajou, 1993, Frédéric Bazille, p.102 - Pitman, Cat. exp. Montpellier, New York, 1992-1993, n° 48, p. 143 - Bajou, Frédéric Bazille,  1993, p. 86 (repr.) - Beaux-Arts, mai 1994, repr. p. 54 -  Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné, 1995, n° 43, pp. 177-178 - L'Oeil, septembre-octobre 1996, repr. p. 60 - L'Estampille-L'Objet d'art, septembre 1996, repr. p. 77 - Pitman, Bazille : Purity, Pose and Painting in the 1860s, 1998, pp. 175-178 - Hilaire, Jones, Perrin, Cat. exp. Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, cat. 54, repr. p. 249 et P. 175 [Les références sont du catalogue en français] - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné numérique, 2022, n° 43.

Dissimulée sous la fenêtre dans l'Atelier de la rue La Condamine, on aperçoit La Tireuse de cartes qui représente une jeune femme, vue de face et accoudée à une table; elle appuie sa tête sur sa main droite, sa main gauche est posée sur quelques cartes devant lesquelles la jeune femme semble hésiter. Les yeux mi-clos, elle est coiffée d’un épais chignon et habillée d’une robe stricte fermée par de gros boutons qui remontent jusqu’au col.

Bazille a donné au personnage une précision plastique comme il l’a fait pour la Jeune Femme aux yeux baissés, précision que souligne Pierre du Colombier quand il dit que « l’unité d’atmosphère, il l’a obtenue beaucoup plus complètement dans ses toiles d’intérieur, et en particulier dans sa Tireuse de cartes, dont le dessin strict, la tonalité sans défaillance et non sans audace ont fait prononcer le nom de Degas » [Colombier, Candide, 4 avril 1935, p. 8]. Cette précision plastique, on la trouve dans le dessin des mains, souvent fines, longues et parfois mal formées, dans les contours du visage et ceux de la robe. Ces contours, comme dans La Mauresque ou le Portrait d'Alphonse Tissié en cuirassier, sont soulignés par un long coup de pinceau linéaire.

Bazille a étrangement divisé le fond de son tableau par un trait oblique. Il a placé des couleurs, d’un côté grises et ocres, de l’autre vertes plutôt pâles; chacune s’accordant avec la tonalité de la robe de couleur brique légèrement rehaussée de vert. On se demande la raison de cet agencement. On comprend qu’il y a ici un effet de perspective. Mais cette recherche n’explique pas tout. Sans doute a-t-il voulu essayer un mariage de couleurs pour conférer au tableau un aspect sobre et synthétique. Avec cette touche sobre et une matière lisse, il ne s’éloigne pas ici d’un certain classicisme. Mais on est loin du Portrait de Renoir ou de Frédéric Bazille à Saint-Sauveur. Il retourne ici à des formes plus traditionnelles, ce qui fait dire à Poulain qu’il est revenu à « des tonalités, des atmosphères d’hiver, en dépit d’une pâte cependant plus vive, mais soutenue par des bruns et des noirs » [Poulain, 1932, p. 133].

Bazille utilise un modèle qui servit aussi à Renoir dans sa Diane chasseresse [National Gallery of Art, Washington].

La tireuse de cartes, Théodule Ribot, musée d'Art et d'Histoire de Colombes © Bruno Farat
La tireuse de cartes, Théodule Ribot, musée d'Art et d'Histoire de Colombes © Bruno Farat
La Tireuse de cartes, comme la Scène d'été, préfigure les thèmes de Cézanne. Bazille pratique les mêmes formes géométriques, le même immobilisme, ce qui pousse Monique Bernat à écrire que ses portraits « contiennent tous une vie intérieure qui ne s’éparpille ni en gestes ni en détails ». Et c’est bien à Mme Cézanne qu’on pense ici, quand elle est par exemple représentée dans la même pose avec une robe semblable, boutonnée jusqu’au col [Paul Cézanne, The Basel Sketchbook, The Museum of Modem Art, New York, 1988, p. 101. Voir aussi Lionello Venturi, Cézanne, son art, son œuvre, Paris, 1936, n° 572-3]. La Tireuse de cartes pose un problème de datation. Sarraute, Marandel et Bajou la datant de 1867,  Poulain et Daulte de 1868-1869. L'exposition de 2016-2017 proposant celle de 1869-1870, soulignant que le tableau figure dans l'Atelier de la rue La Condamine peint au début de 1870.

Mis à part son aspect purement pictural, l’intérêt de cette œuvre tient dans le mystère de sa signification. Bazille n’a pas dit un mot de son tableau dans sa correspondance. On peut enfin se demander si Bazille a voulu donner un sens aux cartes qui figurent sur le tableau.