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Frédéric Bazille
1841-1870

Le catalogue raisonné numérique

par Michel Schulman
© Musée Fabre; Montpellier Méditerranée Métropole / photographie Frédéric Jaulmes

Jeune Homme nu couché sur l'herbe

1869-1870
Huile sur toile [Rentoilé en 1947]
147,7 x 139 cm - 58 x 34 3/4 in.
Montpellier, Musée Fabre, France - Inv. 2002.5.2
Dernière mise à jour : 03-04-2022
Référence : MSb-56

Historique

Famille de l’artiste, Montpellier - Marc Bazille, frère de l’artiste - Frédéric Bazille, neveu de l'artiste - Ses héritiers - Vente Paris-Drouot, 21 juin 2002, n° 13 - Musée Fabre, Montpellier, 2002.

Expositions

Paris, galerie Wildenstein, 1950, n° 48 - Montpellier, musée Fabre, 1959 (Hors catalogue) - Chicago, The Art Institute of Chicago, 1978, n° 50, repr. p. 104 - Montpellier, musée Fabre, 1984, Bazille dans les collections particulières, repr. p. 1 - Paris, musée Marmottan Monet, 2003-2004, cat. 20, repr. p. 70 - Tokyo, Ibaraki, Yamanashi, Osaka, Nagasaki, 2005-2006, n° 70 - Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, cat. 64, repr. p. 255 et p. 155 [Les références sont du catalogue en français].

Bibliographie

Sarraute, Catalogue de l'œuvre de Frédéric Bazille, 1948, n° 44 [Thèse de l'Ecole du Louvre non publiée] - Daulte, Frédéric Bazille et son temps, 1952, n° 43, pp. 151, 183-184 (repr.) [Thèse sous la direction de Gaston Poulain] - Scharf, Art and Photography, 1968, p. 274 - Champa, Studies in Early Impressionism, 1973, pp. 11, 86, fig. 14 - Marandel, Catalogue exp. The Art Institute of Chicago, 1978, n° 50, repr. p. 104 - Dejean, Catalogue exp. Montpellier, musée Fabre, 1984, p. 2 - Daulte, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné de l'œuvre peint, 1992, n° 48, pp. 145, 174 [Réédition de 1952 avec photos en couleur] - Michel, Bazille, 1992, n° 50, p. 242 - Bajou, Frédéric Bazille, 1993, p. 182 - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné, 1995, n° 56, repr. p. 203 -  Hilaire, Catalogue exp. Tokyo, Ibaraki, Yamanashi, Osaka, Nagasaki, 2005-2006, n° 70, pp. 179-180 - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné - Supplément 1, 2006, repr. p. 31 - Hilaire, Vingt ans d'acquisitions au musée Fabre, 2014, n° 172, pp. 105-106 - Hilaire, Jones, Perrin, Catalogue exp. Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, cat. 64, repr. p. 255 et p. 155 [Les références sont du catalogue en français]- Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné numérique, 2022, n° 56.

Après le Pêcheur à l'épervier et la Scène d'été, le Jeune Homme nu couché sur l’herbe est la dernière tentative de Bazille pour peindre un homme nu dans un paysage en plein air. Dans le catalogue de l'exposition de 2016-2017, Perrin parle d'un « étrange tableau [qui] résulte de la superposition de deux compositions inachevées ».

Ce tableau représente un jeune homme allongé sur le ventre dans l’herbe, le bras gauche replié sous le visage. Ses longues jambes sont croisées. A ses pieds, un pantalon bleu plié. Derrière le pré où il est allongé, l’ébauche d’un arbre, sans doute un pin parasol, et une sorte de mur qui est en fait difficile à distinguer précisément. Devant le garçon, les grandes lignes d’une crinoline qui pose tout le problème de ce tableau énigmatique.

Sarraute se demande s’il n’a pas été tiré d’une photographie; Daulte l’affirme en disant qu’il « fut peint d’après un daguerréotype » [Daulte, 1992, p. 145]. Mais rien, selon nous, ne le prouve. Selon Champa, la crinoline qu’on distingue sous le jeune homme aurait été peinte par Monet, à titre d’étude pour ses Femmes au jardin. Bazille aurait ensuite peint son propre tableau par-dessus. Perrin souligne avec justesse que Champa émet son hypothèse en 1973 et qu'il « se heurte à l'image révélée par la radiographie qu'il ne connaissait pas. » Pour résumer les diverses hypothèses, on peut, comme Perrin, penser que « Bazille a peint sa figure de mémoire ou d'après des dessins faits d'après un modèle à un autre moment ».

Quoi qu’il en soit, le personnage donne une impression de malfaçon. « Le visage... ne correspond pas au corps et celui-ci n’est qu’une larve sans os ni muscles. Les contours sont à la fois nets et veules. » [Sarraute, 1948, n° 44, p. 103]. Ce jugement de Sarraute est sans appel : il est vrai que le visage est épais et qu’il ne correspond pas aux formes adolescentes du corps. Bien que l’hypothèse ait été avancée, le jeune homme qui se repose ici, les yeux fermés, n’est en rien semblable au garçon allongé sur le côté dans la Scène d'été. Il semble plus jeune, plus adolescent avec, comme nous l’avons souligné, cette rupture entre le corps et le visage. Le garçon de la Scène d'été est, quant à lui, plus homogène, le corps correspondant au visage, le tout faisant penser à un personnage un peu plus âgé.

Xavier Dejean écrit à juste titre que cette étude « témoigne d’une discordance, d’une cassure intérieure et d’une angoisse de recherches dans ces deux dernières années où Bazille est brusquement traversé d’inquiétudes et d’interprétations multiples. » [Dejean, catalogue musée Fabre, Montpellier, été 1984].

En fait, ce tableau est dans la ligne du Pêcheur à l'épervier, non pas techniquement mais psychologiquement; il est le signe d’une évolution personnelle. Dejean a sans doute raison de situer cette œuvre à la croisée de plusieurs chemins.

Le tableau se divise en deux. La partie inférieure présente deux femmes dans un jardin, l'une d'elle, assise au sol est affublée d'une robe à crinoline qui s'étale autour d'elle. En 1973, Champa devait dire qu'il s'agissait-là d'une ébauche de Monet pour ses Femmes au jardin [1866]. Mais comme l'explique le catalogue de l'exposition de 2016-2017, cette hypothèse se trouve contredite par la radiographie qui soutient que cette partie est bien de la main de Bazille. Dans sa lettre d'avril 1867, Bazille dira en substance qu'il fait un tableau avec deux femmes de grandeur naturelle. 

Bazille reprend ensuite la partie supérieure pour peindre ce jeune homme nu que nous voyons actuellement. Le tableau reste néanmoins une énigme dans le fond et dans la forme. On s'étonnera en effet du contraste entre le corps bien dessiné et le visage mal habile qui jure avec le reste. Cela fait penser à La Robe rose dont le bras droit et le visage ont été retouchés, soulevant la colère de Bazille.  Plusieurs hypothèses ont été proposées concernant le modèle dont celle de Sarraute qui parle d'une photographie. Rien ne permet cependant de l'étayer.

Ce tableau soulève indubitablement un sentiment d'inconfort sans doute issu de son caractère énigmatique.