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Frédéric Bazille
1841-1870

Le catalogue raisonné numérique

par Michel Schulman
© Musée d'Orsay, Paris

Atelier de la rue La Condamine

1869-1870
Huile sur toile
98 x 128,5 cm - 38 9/16 x 50 9/16 in.
Signé en haut à droite : F. Bazille 1870
Paris, Musée d'Orsay, France - Inv. RF 2449
Dernière mise à jour : 13-03-2022
Référence : MSb-58

Historique

Marc Bazille, frère de l'artiste - Legs aux musées nationaux, 1924 - Don d’André et Frédéric Bazille, neveux de l’artiste, au musée du Luxembourg en 1925 - Musée du Louvre, 1931 - Musée du Louvre-Galerie du Jeu de Paume, 1947 - Paris, musée d’Orsay, 1986.

Expositions

Paris, Grand Palais, 1910, Rétrospective Bazille, n° 21 - Paris, Palais du Louvre, Pavillon de Marsan, 1922, Le décor de la vie sous le Second Empire, n° 18 - Montpellier, Exposition internationale, 1927, n° 27 - Montpellier, musée Fabre, 1941, n° 35 (repr.) - Paris, Bibliothèque nationale, 1952-1953, Zola  (Hors catalogue) - Londres, Tate Gallery, 1954,  Les Impressionnistes du musée du Louvre  - Londres, The Arts Council of Great-Britain, 1954, Manet and his Circle, n° 52, repr. pl. X - Detroit Institute of Arts, 1954,  De Cézanne à nos jours - New York, 1955, Jubilée du musée d’Art moderne - New York, Museum of Modem Art, 1954-1955, 15 Paintings by French Masters of the Nineteenth Century, p. 15 - Montpellier, musée Fabre, 1959,  n° 29 - Tokyo, Kyoto, 1961, Exposition d'Art français, 1840-1940, n° 59 - Madrid, musée Thyssen-Bornemisza, 1971, Les impressionnistes français, n° 26 - Paris, galerie Durand-Ruel, 1974, Hommage à Paul Durand-Ruel, 100 ans d’impressionnisme, n° 35 - Cleveland, Cleveland Museum of Art, 1978, The Artist and the Studio in the Eighteenth and Nineteenth Centuries, n° 7 (repr.) et p. 19 - Chicago, The Art Institute of Chicago, 1978, n° 51, repr. p. 106 - Paris, Grand Palais, 1994, Impressionnisme. Les origines 1859-1874, n° 12, pp. 335-336, repr. pl. 355 - New York, Metropolitan Museum of Art, 1994-1995, Impressionism. The Origins [La même exposition. Les références sont du catalaogue en français] - Taïpei, musée national d'histoire, 1997, L'âge d'or de l'impressionisme, repr. p. 143 - Montpellier, musée Fabre, 2001 (s.n.) - Paris, musée Marmottan Monet, 2003-2004, cat. 22. repr. p. 45 - Séoul, Hungaram Museum, 2007, De Millet à Bonnard, n° 4 (repr.) - Dublin, National Gallery of Ireland, 2008, Impressionist Interiors, n° 9, repr. p. 71 - Madrid, Fundacio Mapfre, 2010, Impressionismo. Un nuevo renacimiento, cat. 13, repr. p. 121 - Turin, Galleria civica d'arte moderna e contemporanea, 2013-2014, n° 4 (repr.) - Wuppertal, Von der Heydt-Museum, 2018, n° 14, repr. p. 30 - Tokyo, The National Art Center, 2014, Naissance de l'impressionnisme, n° 6, repr. p. 57Rome, Complesso del Vittoriano, 2015-2016, n° 3, repr. p. 52 - Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, cat. 57, repr. p. 251 et 166-167 et pp. 113, 150, 163 (Détails) [Les références sont du catalogue en français].

Bibliographie

Apollinaire, Chroniques d'art, 1910, Salon d'automne, p. 156 - Alexandre, Le Figaro, 30 sept. 1910 - Thiébault-Sisson, 1910, Le Petit Temps  (n.p.) - Hamel, Les Arts,  nov. 1910, p. 13 - Blanche, De David à Degas, 1919, p. 36 - Henriot, Gazette des Beaux-Arts, juillet-août 1922, p. 97 - Joubin, Les Beaux-Arts, 15 avril 1924, pp. 119-121, repr. p. 120 [Dans l'article : Bulletin des musées] - Poulain, L'Eclair du Midi, 1er nov. 1926, p. 2 - Moreau-Nélaton, Manet raconté par lui-même, 1926, p. 116 - Charensol, L'Amour de l'Art, janv. 1927, n° 1, pp. 25-28 - Masson, Catalogue des peintures, sculptures du musée national du Luxembourg, 1927, pp. 12-13 - Rey, 1928, p. 34 (repr.) - Focillon, La peinture aux XIXe et  XXe siècles, 1928, p. 212 - Poulain, Bazille et ses amis, 1932, n° 40, pp. 179-180, 219 - Fiérens, Journal des Débats, 12 juillet 1932, p. 3 - Laver, French Painting and the Nineteenth Century, 1937, repr. pl. 66 - Scheyer, Art Quarterly, printemps 1942, pp. 128-129 - Guérif, A la recherche d'une esthétique protestante, 1943, p. 29 - Rewald, Histoire de l'Impressionnisme, 1946, n° 43, pp. 196, 224 et 1976, t. I, pp. 285-286 - De Baudelaire à Bonnard, 1947, repr. p. 20 - Musée des Impressionnistes, 1947, n° 25, p. 18 - Drucker, L'Impressionnisme au Jeu de Paume, 16 mai 1947 - Prinçay, Cahiers du sud, 1947, p. 869 - Sarraute, Catalogue de l'œuvre de Frédéric Bazille, 1948, n° 37, pp. 87-91 [Thèse de l'Ecole du Louvre non publiée] - Sarraute, Catalogue exp. Bazille, galerie Wildenstein, Paris, 1950, (n.p.) [Non exposé] - Daulte, Bazille et son temps, 1952, pp. 90, 131-133 et pp. 186-187, n° 48 (repr.) [Thèse sous la direction de Gaston Poulain] - Soby, printemps 1955, vol. 22, n° 3, p. 7, repr. p. 15 - Bazin, 1958, Trésors de l'impressionnisme au Louvre, n° 6 - Bazin, Impressionisme, 1958, p. 122 - Adhémar, Sterling, Musée national du Louvre. Peintures, 1958, n° 43 (repr.) - Cooper, Burlington Magazine, mai 1959 - Jardin des Arts, octobre 1959, n° 60 (repr.) - Courthion, Autour de l'impressionnisme, 1964, p. 26, repr. coul. pl. 26 - Blunden, Journal de l'impressionnisme, 1970, repr. coul. p. 43 - Jacobus, Art in America, sept. 1972, p. 31 - Adhémar, Dayez, Musée du Louvre - Musée de l'impressionisme, Jeu de Paume, 1973, repr. p. 9 - Wildenstein, Catalogue raisonné Claude Monet, 1974, pp. 39, 45, n° 289 - Georgel, L'image de l'atelier depuis le romantisme, 1976, pl. 49 (repr.) - Adhémar, Distel, Catalogue du musée du Jeu de Paume, 1977, repr. p. 12 - Deitcher, Arts Magazine, avril 1978, fig. 13 (repr.) - Daulte, L'Oeil, avril 1978, Une grande amitié Maître et Bazille, repr. p. 41 - Kelder, Le grand livre de l'impressionnisme, 1981, p. 122 (repr.) - English, American Artists, fév. 1981, p. 54 - Denton, Artscribe, mars 1981, p. 30 (repr.) - Druick, Hoog, Fantin-Latour, 1982, p. 206 - Georgel, Catalogue exp. Dijon, 1982-1983, p. 148, fig. 266 - Gache-Patin, Lassaigne, Sisley, 1983, repr. p. 62 - Jacobus, Art in America, déc. 1983 - Adhémar, Dayez, Musée du Jeu de Paume, 1983, p. 151 - Chefs-d'œuvre impressionnistes du musée du Jeu de Paume, 1984, repr. p. 16 - Bonafoux, 1984, Les peintres et l'autoportrait, repr. p. 78 - Chefs-d’œuvre impressionnistes, 1984, p. 16, repr. p. 17 - Renoir, Auguste Renoir, mon père, 1985, p. 60, repr. fig. 1 - Distel, Catalogue exp. Paris, Boston, 1985-1986, Renoir, fig. 1, repr. p. 60 - Hauptman, Catalogue exp. Lausanne, musée cantonal, 1985, p. 39 - Bonafoux, Les impressionnistes. Portraits et confidences, 1986, p. 74 - Lacambre, Laclotte, La peinture au musée d'Orsay, 1986, repr. p. 52 - Hermet, Les portraits impressionnistes, 1986, repr. p. 73 - Bonafoux, Connaissance des Arts, janv. 1987, pp. 28-35, repr. p. 33 [Titre de l'article : Regards croisés] - Denvir, The Impressionists at First Hand, 1987 (repr.) - Distel, Les collectionneurs des impressionnistes, 1989, p. 15, pl. 8 - Rosenblum, Les peintres du musée d'Orsay, 1989, repr. p. 226 - Denvir, Encyclopedia of Impressionism, 1990, repr. p. 28 - Daulte, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné de l'œuvre peint, 1992, pp. 91, 127-130 et pp. 178-179, n° 56 (repr.) [Réédition de 1952 avec photos en couleur] - L'Oeil, juillet-août 1992, Frédéric Bazille et ses amis impressionnistes (repr.) - Pitman, Catalogue exp. Montpellier, New York, 1992-1993, fig. 19, repr. p. 47 - Bajou, Frédéric Bazille, 1993, p. 157 (repr.) - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné, 1995, n° 58, repr. p. 205 - Romand, La Gazette, 16 février 1996, repr. p. 72 - Pitman, Bazille : Purity, Pose and Painting in the 1860s, 1998, pp. 5, 56, 141-142, 175, 184-187 - Champa, Pitman, Catalogue exp. Francfort, Städelsches Kunstinstitut, 1999, Inneleben. Die Kunst des Interieurs, fig. 3, repr. p. 316 - Catalogue exp. Atlanta, High Museum, 1999, fig. 28, repr. p. 59, pp. 57-59 et fig. 31, repr. p. 73 - Ottawa, Chicago, Fort Worth, 1997-1998, Les portraits de Renoir. Impressions d'une époque, fig. 63, repr. p. 57 - Nord, 2000, Impressionists and Politics. Art and democracy in the 19th and 20 th Centuries, pl. 1.1 (repr.) - Catalogue exp. La Haye, Gemeetemuseum, 2002, De tijd van Degas, repr. p. 67 - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné - Supplément 1, 2006, repr. p. 25 - Rome, Complesso del Vittoriano, 2008, Renoir. La maturita tra classico e moderno, fig.13, repr. p. 45 - Catalogue exp. Madrid, Fundacion Mapfre, 2013, Impressionistas y post-impressionistas : El nacimiento del arte moderno, fig. 32, repr. p. 52 -Berrado, Cogeval, Guégan, Catalogue exp. Madrid, Fundacion Mapfre, 2020, Impresionismo, un nuovo renacimiento, n° 13, repr. p. 121 - Hilaire, Jones, Perrin, Catalogue exp. Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, cat. 57, repr. p. 251  et pp. 166-167 et pp. 113, 150, 163 (Détails) [Les références sont du catalogue en français] - Murrell, Catalogue exp. New York, 2018, fig.4, repr. p. 11, repr. p. XII (Détail) - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné numérique, 2022, n° 58.

Trois années ont passé depuis que Bazille a peint son Atelier de la rue Visconti : l'Atelier de la rue La Condamine montre à quel point l’artiste s’est libéré de ses inquiétudes et a trouvé son épanouissement.

La tradition n’était pas nouvelle de se représenter dans son propre atelier ou de peindre ses amis dans les leurs. Mais que de différences entre, par exemple, Les Ménines de Vélasquez, l'Hommage à Delacroix de Fantin-Latour et l'Atelier de la rue La Condamine de Bazille.

Notre peintre s’installe dans son nouvel atelier en janvier 1869 et y restera jusqu’au 15 avril 1870. Ici, l’espace et la lumière prouvent l’évolution de l’artiste. La pièce est spacieuse et s’ouvre largement sur l’extérieur grâce à l’immense baie vitrée par laquelle on aperçoit des immeubles parisiens. L’organisation de l’espace est ici très différente de celle des ateliers antérieurs. Bazille a choisi de nous montrer celui-ci, non plus vide mais animé. Quand on y entre, on est d’abord séduit par la hauteur du plafond, par la perspective sur les toits de Paris, par l’escalier de bois, le tout offrant un volume agréable. L’univers intime de Bazille n’est donc plus confiné. Au milieu du tableau, cette impression voulue d’espace est renforcée par un vide; Bazille a en effet décidé de laisser libre cet endroit que seul vient meubler un fauteuil tapissé de velours vert déjà présent dans l'Atelier de la rue de Furstenberg. La baie vitrée est à demi-fermée par un immense rideau noir qui attire particulièrement le regard; dans une lettre de l’été 1868, Renoir en donne les mesures : « 4 mètres de haut sur trois de large...»

L’intérêt de cet atelier, Bazille l’a bien compris, est sa vue sur la rue de Rome. Comment ne pas penser ici à la Rue Halévy vue du sixième étage et à Un Balcon boulevard Haussmann de Caillebotte [Bérhaut, Catalogue raisonné Caillebotte, 1978, n° 116 et 136] ?

Bazille a disposé peu d’objets dans cette vaste pièce rectangulaire. A droite, un poêle, rougi comme celui de l'Atelier de la rue de Furstenberg, fait penser à L'Atelier de Delacroix dont l'attribution est aujourd'hui remise en question. Contre le mur de droite, une petite table ronde dont les abattants ont été repliés; dans le coin, un piano noir qu’on voit pour la première fois, symbole de la passion de Bazille pour la musique et de son amitié avec Edmond Maître. Face à nous, contre le mur, un canapé rose est l’élément de confort le plus visible du tableau.

L’organisation spatiale de l’atelier - ce vide dont nous avons parlé - met en relief deux préoccupations essentielles de Bazille. La première est de se montrer au milieu de ses amis, la seconde d’exposer ses tableaux.

Six personnages sont peints ici. Bazille, devant le chevalet, donne des explications sur la Vue de village et tient une palette de la main gauche. L’homme qui lui fait face et l’écoute est Manet. Au piano, Edmond Maître. Les trois autres personnages ont fait l’objet d’identifications controversées.

Selon Moreau-Nélaton, celui qui est à gauche de Manet serait Zacharie Astruc; les deux autres, à l’extrême gauche du tableau, étant Sisley, assis sur un coin de table, et Monet, debout dans l’escalier. Moreau-Nélaton devait confirmer cette version dans une lettre envoyée à Sarraute en 1926, lettre dans laquelle il précise qu’il tient ces informations de Monet lui-même.

Mais la version de Poulain, dont nous ignorons la source, est toute différente. Pour lui, Monet serait le personnage à gauche de Manet; sur l’escalier, on reconnaîtrait Zola parlant à Renoir, assis sur le coin de la table. Le docteur Maurice Leblond, gendre de Zola, confirme que « cette silhouette est bien celle du romancier ».

Il est, aujourd’hui, impossible de confirmer l’une ou l’autre de ces attributions; Rewald et Daulte penchent pour Zola et Renoir. Si on accepte les identifications de Moreau-Nélaton, on peut, comme lui, s’étonner de l’absence de Renoir que Bazille hébergeait alors.

Ce dernier a peint tous ses amis dans une attitude conviviale. Bazille lui-même, couvert d’une grande blouse noire, parle peinture avec Manet. « Je me suis amusé jusqu’ici à peindre l’intérieur de mon atelier, écrit-il le 1er janvier 1870 et Manet m’y fait moi-même ». Manet aurait dit : « Ton atelier sans toi, ce n’est pas possible ». Le geste est sympathique et prouve la cordialité des relations entre les deux hommes.

Sur les murs de l’atelier et par terre, on reconnaît plusieurs tableaux. En haut à gauche, l’ébauche du Pêcheur à l'épervier, au-dessous, une petite fille aux cheveux blonds qui fait penser à un tableau de Monet; au-dessous, divers tableaux encadrés. Sous la baie vitrée, on reconnait La Tireuse de cartes. A droite de la fenêtre : un paysage qui a été identifié avec les Remparts d'Aigues-Mortes du côté du sud; au-dessus encore, La Femme à l’oiseau de Renoir et, au-dessous de ce dernier, une nature morte de Monet. Enfin, sur le mur de droite, on reconnaît aisément La Terrasse de Méric de Bazille, avec le marronnier et la demeure familiale. Bazille a ainsi disposé plusieurs des tableaux de sa collection sans oublier ceux de Renoir et de Monet. On remarquera cependant l’absence d’œuvres de Sisley et de Manet, avec lesquels Bazille était moins lié.

Reste le tableau en grande partie caché par la silhouette de Bazille. Il est fort probable qu'il s'agisse là d'un tableau de Bazille qu'on peut comparer à la grande taille du peintre. Bazille mesurant 1,88 m, il n'est pas impossible qu'il présente ici la Vue de village qui mesure 1,30 m avec sa jeune fille dont on pourrait peut-être discerner le bas de la robe en bas à gauche du tableau sur son chevalet.

Le contraste est grand entre les tableaux impressionnistes dont il a choisi d’orner ses murs et la représentation de l’atelier lui-même, avec la sagesse de son graphisme et le classicisme de ses couleurs. Tout y est en effet sagement agencé et rares sont les objets aux formes arrondies qui brisent le rythme des lignes droites. Seuls le fauteuil, le canapé et le poêle viennent rompre cet effet cubique. Sagesse du graphisme donc, et, avons-nous ajouté, classicisme des couleurs : gris du plancher et du plafond, bleus légers et transparents des murs, noir du rideau qui laisse passer la lumière; les seules taches de couleur plus vives sont celles du fauteuil vert et du canapé rose. En fait, la palette est limitée, comme elle l’est chaque fois que Bazille représente ses ateliers.

La radiographie de l’œuvre devait causer une surprise touchant le tableau au-dessus du canapé. Les rayons X ont en effet mis en évidence une esquisse sous-jacente correspondant au portrait de femme et à la Diane chasseresse de Renoir.

Bazille semble ici avoir franchi une étape, celle de la maturité : on sent qu’il ose enfin se regarder comme l’égal de ses amis. Dans l'Atelier de la rue La Condamine, il ne cherche ni à exprimer des idées philosophiques comme Courbet, ni à présenter un manifeste artistique comme Fantin-Latour, ni à contempler ses propres œuvres comme Corot. Sa démarche y est plus proche de celle de Degas lorsque, dans son Portrait de Tissot, celui-ci place son personnage dans un atelier au milieu des tableaux qu’il préfère.

Comme l'écrit Jones dans le catalogue de l'exposition 2016-2017, « Parmi les intérieurs d'atelier peints par Bazille, c'est le troisième et dernier tableau qui est, de loin, le plus complexe » [P. 165]. Il l'est effectivement de par la présence de ses amis qui, au-delà de la convivialité chaleureuse, semble clairement être un manifeste artistique impressionniste. Le message de Bazille fait l'objet de nombreuses interprétations au cours du temps. De toute évidence, Bazille semble vouloir prendre ses amis à témoin de ses ambitions. 

La disposition des tableaux aux murs dans l'Atelier de la rue La Condamine a aussi fait couler beaucoup d'encre. Dans son article, Jones souligne avec pertinence que « les tableaux disposés le plus en hauteur ont tous été refusés par le jury du Salon ... et que le tableau est par essence une sorte de plaisanterie rusée pour initiés qui met à l'honneur les œuvres que le jury obtus du Salon a refusées sans autre forme de procès, mais que ses collèges plus perspicaces apprécient » [P. 168].