1868
Huile sur toile
46,2 x 38,2 cm - 18 1/4 x 15 in.
Signé en bas à droite, de bas en haut : F Bazille
Collection particulière
Dernière mise à jour : 29-03-2022
Référence : MSb-42
Famille de l'artiste, Montpellier - Marc Bazille, frère de l'artiste, Montpellier - Frédéric Bazille, son fils - Mme Jean Rachou-Bazille, née Andrée Bazille, Montpellier - Collection particulière - The Mitsubishi and Banking Corp., Tokyo, 1989 - Vente Sotheby's, Londres, 20 juin 2007 n° 414 - Collection particulière.
Paris, Association des étudiants protestants, 1935, n° 7 - Montpellier, musée Fabre, 1941, n° 26 - Montpellier, musée Fabre, 1959, n° 18 - Nice, galerie des Ponchettes, 1960, n° 103 - Chicago, The Art Institute of Chicago, 1978, n° 48, repr. p. 100 - Montpellier, New York, 1992-1993, n° 47, repr. p. 142 - Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, n° 34, repr. p. 237 et p. 174 [Les références sont du catalogue en français].
Poulain, Bazille et ses amis, 1932, n° 30, p. 217 - Sarraute, Catalogue de l'œuvre de Frédéric Bazille, 1948, n° 56, p. 120 - Daulte, Bazille et son temps, 1952, n° 40, p. 69 [Thèse sous la direction de Gaston Poulain] - Marandel, Catalogue exp. The Art Institute of Chicago, 1978, n° 48, repr. p. 100 - Daulte, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné de l'œuvre peint, 1992, n° 44, pp. 134, 145, 172-173 [Réédition de 1952 avec photos en couleur] - Michel, Bazille, 1992, pp. 247-248 - Jourdan, Catalogue exp. Montpellier, New York, 1992-1993, n° 47, repr. p. 142 - Bajou, Frédéric Bazille, 1993, p. 101 - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné, 1995, n° 42, repr. p. 175 - Hilaire, Jones, Perrin, Catalogue exp. Montpellier, Paris, Washington, 2016-2017, cat. 34, repr. p. 237 et p. 174 [Les références sont du catalogue en français] - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné numérique, 2022, n° 42.
La représentation féminine avait jusqu’à présent conduit Bazille sur d’autres chemins : vers les nus qu’il exécutait à l’atelier Gleyre, vers les femmes en tant que personnages insérés dans un paysage.
La Jeune Femme aux yeux baissés est peinte en buste, vêtue d’un simple corsage à manches courtes. Sa tête est vue de trois quarts, légèrement baissée et les yeux pratiquement clos. Ses cheveux noirs tirés en arrière forment un épais chignon. Ses lèvres sensuelles marquent de leur couleur rouge ce visage qu’inonde une clarté solaire. La bouche sourit doucement comme si, les yeux fermés, la jeune femme pensait à quelque chose d’agréable.
Toutes les lignes sont rendues par un graphisme parfaitement réussi - ce qui n’est pas toujours le cas pour les personnages de Bazille. Le cou vient harmonieusement prolonger la nuque sur laquelle tombe une touffe de cheveux. La joue gauche, finement modelée, se termine par un menton arrondi qui rappelle la corpulence du personnage. Le front, large, est cerné par une abondante chevelure et par des cils épais. Le nez est long, presque aquilin. Sur des épaules larges, le corsage dégage simplement le cou. Le tableau est sous le jeu d’une lumière directe qui éclaire la partie gauche du visage et le buste de la jeune femme. Les parties sombres n’en sont pas moins mises en valeur par des modelés que Bazille utilisera à nouveau dans La Tireuse de cartes.
Au graphisme, cette fois habilement maîtrisé, s’ajoute une judicieuse combinaison de couleurs. La tonalité générale, vert sombre, on la trouve non seulement en toile de fond mais aussi sur la peau de la jeune fille, sur sa chemise dont les plis sont restitués par de larges coups de pinceau. « Bazille ne se contentait pas de faire prédominer une ou deux couleurs selon le sujet qu’il traitait, écrit Daulte. Pour accentuer encore l’harmonie d’ensemble, il détachait ses portraits sur des fonds d’une tonalité égale et assourdie. Très souvent, Bazille exagérait l’obscurité des fonds, pour mettre les figures en relief » [Daulte, 1992, pp. 134-135]. Ici, les couleurs vives dont parle Daulte sont remplacées par des tons pastels; ils donnent une légèreté que n’aurait peut-être pas autrement le tableau. Mais il est excessif de dire, comme le fait Daulte, que « la plupart des personnages de Bazille ont les paupières à moitié fermées » [Daulte, 1992, p. 145]. Cela est assez souvent vrai pour mériter d’être considéré comme reflétant une tendance de Bazille, mais il a peint aussi beaucoup d’autres personnages qui, au contraire, ont les yeux grands ouverts.
Bazille a-t-il voulu donner à la Jeune Femme aux yeux baissés une allure intentionnellement statique ? On peut le croire au vu des cernes qu’il a employés pour délimiter tant les contours du visage et de la partie supérieure du front que ceux du buste. Le mouvement de la tête légèrement penchée et des épaules inclinées, donne une certaine grâce à la jeune femme, chez qui tout respire le calme, le repos, la sérénité. La technique linéaire, contrairement à Frédéric Bazille à Saint-Sauveur par exemple, amplifie cette impression qu’on retrouve dans La Tireuse de cartes. Nous ne connaissons pas ce modèle. En fait, Bazille ne s’intéresse pas ici à son identité. Ce n’est pas comme pour le Portrait d'Alphonse Tissié en cuirassier où l’on reconnaît l’homme et sa fonction. Ici, la femme est anonyme. Sans doute est-ce là un tableau qu’il a fait à l’atelier de la rue Visconti ou peu de temps avant de s’y installer. Gaston Poulain le date de 1868; Sarraute de 1867 et précise qu’il s’agit peut-être du tableau qu’on aperçoit dans l'Atelier de la rue Visconti au-dessus de la Petite Italienne chanteuse des rues. Dans ce cas, la Jeune Femme aux yeux baissés daterait de 1867 ou de peu avant. La tonalité des couleurs et le thème du tableau nous incitent néanmoins à le dater de 1868 comme La Tireuse de cartes. Et sa datation de 1866-1867 ne pas devoir être retenue. En tous les cas, nous avons ici la preuve que Bazille recherchait à cette époque de nouveaux sujets; il devait les trouver dans une série d’œuvres qui prouvent ses progrès de portraitiste.
