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Frédéric Bazille
1841-1870

Le catalogue raisonné numérique

par Michel Schulman
© Archives familiales

Fin d'un après midi d'été

1866-1867
Huile sur toile
59,5 x 51,5 cm - 23 7/16 x 20 1/4 in.
Collection particulière
Dernière mise à jour : 01-04-2022
Référence : MSb-89

Historique

Famille Leenhardt et Florence Doxat - Par succession leurs descendants Idelette Leenhardt et Alexandre Westphal - Collection particulière.

Expositions

A notre connaissance, cette oeuvre n'a jamais été exposée

Bibliographie

Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné numérique, 2022, n° 89.

On ne peut guère sujet plus bazillien que cette jeune femme goûtant une fin d'après midi d'été dans un parc du midi languedocien. Posé sur sa robe, un livre ouvert sur ses genoux dont les pages qu'elle vient de lire laissent vagabonder ses pensées vers un ailleurs énigmatique. A moins que la tiédeur du moment incite à un assoupissement que son regard vague ou pensif ne saurait contredire.

Villa Louise vue de l'arrière. Photo : archives familiales
Villa Louise vue de l'arrière. Photo : archives familiales
Plusieurs tableaux de Bazille rejoignent ce sujet. Dans Les Lauriers-roses, Bazille retrouve le domaine de Méric et la demeure familiale dont on perçoit la serre à gauche du tableau. Un banc esquissé est placé en travers de l'allée inondée de soleil. A droite, une femme dont la robe fait penser à celles de La Réunion de famille, pose son bras sur le dossier du banc. La scène est simple, à l'image de cette Fin d'un après midi d'étéqui représente un moment de la vie quotidienne sans doute dans le parc familial de la Villa Louise. Un autre tableau  pose le même regard sur la vie à Méric. Il s'agit de Thérèse lisant dans le parc de Méric. Elle tient, elle aussi, un livre qui, de toute évidence, capte toute son attention. Thérèse est assise sur une grande chaise dont on retrouve un modèle sous-jacent dans Fin d'un après midi d'été. Ici, le banc est placé dans une allée qui débouche sur une clairière doucement ensoleillée.

Quant aux arbres, raides et droits comme filant vers le ciel, on les comparera à ceux de la Scène d'été et du Pêcheur à l'épervier, dont les feuillages s'épanouissent à la cime des arbres. Autant des signes évidents d'une végétation méditerranéenne.

La vie sociale et familiale de la communauté protestante montpelliéraine était alors intense. Ainsi se connaissaient, se fréquentaient et s'appréciaient les familles Bazille, Westphal, Leenhardt, Tissié, Castelnau, Vialars, Cazalis, Layrargues, Planchon... qu'unissait une même communauté de valeurs à travers la religion mais aussi l'économie, la politique, la culture, la vie sociale et associative jusqu'aux loisirs comme la chasse dont étaient adeptes Gaston Bazille et son fils Frédéric. C'est ainsi qu'André Gide la décrit dans Si le grain ne meurt : « Il y avait là des Westphal, des Bazille, des Leenhardt, des Castelnau, parents les uns des autres ». Dans sa thèse Michel-Maximilien Leenhardt : l'œuvre, reflet d'un milieu [Université de Toulouse le Mirail, 2019], Isabelle Laborie décrit avec pertinence ce milieu aux multiples facettes et intrications qui reposent sur de puissants liens familiaux. Elle souligne aussi que, pour de nombreux événements, ce monde se retrouvait dans les propriétés de Méric, Bionne, Fontfroide, Saint-Sauveur, le Mazet ainsi qu'à la Villa Louise, toutes à une encablure de Montpellier. 

Daulte décrit ainsi la vie insouciante autour de Bazille :  « Merveilleuses cousines ! Il y a quelques années encore, elles partageaient le grand parc les jeux et les rêves de Frédéric. Et maintenant, elles charment ses yeux... Elles errent dans la fraîcheur du matin ou la tiédeur du soir, libres et protégées à la fois sous les pins des terrasses, où les échos gardent leurs rires. Ou bien assises au pied d'un arbre préféré, celui qui leur ouvre le plus d'horizon et les couvre le plus, elles lisent, ou causent ou brodent » [Daulte, 1992, p. 58 ].

Selon la mémoire familiale, Fin d'un après midi d'été aurait été fait à la Villa Louise qui jouxte le domaine de Méric. On sait que les Westphal-Castelnau s'y établirent à plein temps en 1859 et, par mariages, des liens étroits l'unissent aux Bazille, Leenhardt et Westphal.

On ne peut avec certitudes reconnaître les traits de la femme de notre tableau. On relèvera  néanmoins des similitudes avec certaines cousines qui figurent dans La Réunion de famille.

Mais encore, l'histoire familiale y verrait le portrait de Florence Doxat, épouse de René Leenhardt, cousin de Gaston Bazille, le père de Frédéric.

Selon des archives familiales, Florence Doxat fait un long séjour à la Villa Louise en été 1866. On soulignera que le tableau fait partie d'un inventaire où il est dûment désigné en 1929 comme appartenant à Florence Doxat habitant 7 rue Marceau à Montpellier. Il passera ensuite entre les mains de sa fille Idelette et restera dans la famille jusqu'à nos jours.

Rayons X : on distingue ici les repentirs soulignés en rouge, notamment la chaise et la robe
Rayons X : on distingue ici les repentirs soulignés en rouge, notamment la chaise et la robe
Revenons un instant sur le sujet du tableau. La jeune femme assise sur un banc l'était au préalable sur une chaise qui ressemble à celle de Thérèse lisant dans le parc de Méric, repentirs qui ressortent aux rayons X et à la caméra multispectrale de New Lumiere Technology-TWP. De même qu'apparaissent des repentirs soulignant les modifications apportées par Bazille au bas de la robe.

On remarquera ensuite des similitudes avec la grande ceinture rouge et le ruban rouge lui aussi sur la tête de la jeune fille qui figurent dans la Vue de village ainsi qu'avec Jeune femme cousant et La Brodeuse parmi les dessins de Bazille.

Par tous ces aspects historiques et esthétiques, nous ajoutons dorénavant Fin d'un après midi d'été au corpus de l'oeuvre de Bazille.