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Frédéric Bazille
1841-1870

Le catalogue raisonné numérique

par Michel Schulman
© Tous droits réservés

La Repasseuse

1866
Huile sur toile
99 x 81,5 cm - 38 15/16 x 32 1/16 in.
Signé et daté en bas à droite : F. Bazille 1866
Collection particulière
Dernière mise à jour : 21-04-2022
Référence : MSb-69

Historique

Jacques Delassus, Nîmes - Par descendance aux propriétaires actuels - Collection particulière - Vente Paris-Drouot, 18 décembre 2012, n° 103.

Expositions

A notre connaissance, cette oeuvre n'a jamais été exposée

Bibliographie

Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné - Supplément 1, 2006, pp. 10-14, repr. p. 10 et détail p. 12 - Schulman, Frédéric Bazille : Catalogue raisonné numérique, 2022, n° 69.

La Repasseuse, François Bonvin, 1858, Philadelphia Museum of Arts
La Repasseuse, François Bonvin, 1858, Philadelphia Museum of Arts
La Repasseuse à contre-jour, Edgar Degas, 1886, National Gallery, Washington
La Repasseuse à contre-jour, Edgar Degas, 1886, National Gallery, Washington
La Repasseuse est une découverte majeure de l’œuvre de Bazille. Le thème a souvent inté­ressé les peintres du dix-neuvième siècle et il n’est pas le premier à l’interpréter. En 1858, François Bonvin a mis ce sujet en scène dans un tableau que possède aujourd’hui le Philadelphia Museum of Arts et sa toile nous fait entrer dans l’intimité de l’artiste. Vingt ans plus tard, Degas en exécutera plusieurs versions dont la plus célèbre fait maintenant partie des collections du musée d’Orsay, mais, parmi elles, la plus proche du tableau de Bazille est la Repasseuse à contre jour de la National Gallery of Art de Washington. Entre celle de Bonvin et celles de Degas, La Repasseuse de Bazille témoigne de l’évolution du genre, entre réalisme et impressionnisme.

En 1866, Bazille exécute des œuvres aux sujets divers : la Nature morte aux poissons qu’il présente au Salon de 1866, la Petite Italienne chanteuse des rues, Pots de fleurs et La Terrasse de Méric. Mais ce qui le préoccupe avant tout, c’est d’être accepté au Salon. Pour cela, il prépare un grand tableau, Jeune Femme au piano, longtemps disparue - qui sera refusée - mais qui sera retrouvée sous Ruth et Booz grâce à une radiographie faite à l'occasion de l'exposition de 2016-2017. Et dans une lettre à sa mère, il écrit à la fin de janvier : « Je travaille énor­mément depuis le dernier mois, je puis dire, du matin jusqu’au soir ».

Mais Bazille n’est pas seulement surchargé de travail par l’approche du Salon, car son cadre de sa vie change deux fois : il quitte l’atelier de la rue de Furstenberg qu’il partageait avec Monet pour s’installer rue Godot de Mauroy, puis déménage à nouveau pour un atelier situé rue Visconti. On ne s’étonnera donc pas qu’il parte tardivement pour son séjour d’été à Méric où il va peindre La Repasseuse.

Il y arrive à la mi-août et dans une lettre du 7 à sa mère, il a expliqué qu’il envisage d’aller à Aigues-Mortes mais remettra ce voyage au mois d’octobre s’il fait trop chaud. Dans ce cas, écrit-il, « je pourrai reprendre ma vue de Méric avec un jardinier que j’avais aban­donné l’année dernière ». C’est certainement du tableau du Museum of Fine Arts de Houston qu’il veut parler; et c’est alors aussi qu’il peint La Repasseuse, où l’on trouve tous les caractères d’un tableau fait à Méric.

Le lieu s’offrait à ce thème. La maison familiale de Méric a malheureusement subi de multiples transformations quand elle fut acquise par la ville de Montpellier et la lingerie a disparu, mais nous avons recueilli des témoignages qui nous ont confirmé son existence passée. Bazille fait chaque été de longs séjours à Méric; la scène qu'il nous offre ici est donc familière, comme sont familiers pour lui les rapports qu’il entretient avec tous les serviteurs et servantes de la maison. Ainsi du jardinier en train d’arroser, sujet du tableau Le Petit Jardinier en 1866-1867. Ainsi encore de la fille du métayer qui posera en 1868 dans la Vue de village. A Méric, Bazille ne manque donc ni de sujets ni de per­sonnages pour les animer. Et on ne peut manquer de voir une certaine similitude entre la repasseuse et la jeune fille de la Vue de village. En effet, si l’on juxtapose leurs visages, la res­semblance est troublante et cela est vrai aussi de leurs mains que l'on retrouve dans la Scène d'été et plus encore dans La Tireuse de cartes.

On reconnait souvent les qualités d’un bon peintre à sa façon de rendre les draperies. Ici, comme pour sa Nature morte aux poissons, Bazille s’y applique et le tout est exécuté avec justesse et talent. Cela est particulièrement vrai des draps qui tombent de la table de repassage et aussi du linge suspendu au fil de la lingerie. Ils font penser aux draps du lit de Monet dans L'Ambulance improvisée. Dans La Repasseuse, qui est une scène d’inté­rieur, les tonalités sont naturellement sobres, comme elles le sont pour l'Atelier de la rue de Furstenberg, l'Atelier de la rue Visconti et l'Atelier de la rue La Condamine. C’est pour cette raison qu’elle nous paraît reflé­ter une expérience particulière de Bazille alors qu’il cherchait sa voie entre réalisme et impressionnisme.

Plusieurs études et analyses scientifiques ont été menées sur La Repasseuse par le Cabinet Gilles Perrault en mai 2004, qui ne lais­sent aucun doute sur sa date et son authenticité. Il confirme que non seulement la signature est d’époque, mais qu'elle a bien été apposée sur le tableau aussitôt achevé.

L'examen aux UV de la signature
L'examen aux UV de la signature
L'examen U.V. fait apparaître quelques points mineurs de restaurations récentes (de moins de cinquante ans), mais ces restaurations n'affectent ni ne modifient en rien la signature.

L'examen aux rayons X dévoile des repentirs qui laissent supposer que le tableau a été modifié par l'artiste lui-même. L'observation montre que Bazille a allégé sa composition en supprimant par exemple des voilages et des flacons sur une étagère en haut et à gauche du tableau.

On a procédé ensuite à l’analyse systématique de toutes les couleurs observées dans trois échantillons et prélèvements. Les résultats ont permis d’identifier les pigments suivants : blanc de plomb (couche de préparation sur la toile), pigments contenant du zinc de baryum, rouge vermillon, vert de cuivre et bleu de cobalt. Comme le dit l'analyse du Cabinet Perrault, « Les pigments datent pour les plus récents du début du XIXe siècle. Ils ne présentent pas d'anachronisme avec la date de 1866 ».

Ces résultats ont été comparés à ceux d’analyses similaires pratiquées sur d’autres tableaux de Bazille. Ils apportent la preuve qu’il existe de nombreuses analogies entre eux et La Repasseuse : les pigments sont identiques et les mélanges similaires. Dans La Repasseuse, il s’agit bien des éléments avérés de la palette de Bazille.